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Chez la plupart des gens, l'idée de « faire beau » vient immanquablement compromettre la création.
Datant de notre enfance profonde, la réaction de nos tantes, amies, parents envers notre dessin a profondément influencé notre perception des arts, notre ouverture à apprécier la recherche artistique ainsi que la toute-puissance du dessin manqué. L’idée du « beau » tolère maigrement de se casser la gueule en création.
Dans mes cours, les étudiants apprennent - parfois douloureusement, mais surtout avec soulagement - que l'acte de créer comporte son lot de risques et que le dit « chef-d'œuvre » est une conception sociale inutile qui, par chance, est hors de notre contrôle.
L'idée de « faire beau », de « faire plaisir », la recherche d'approbation freine notre élan à explorer, distorsionne, voire corrompt l’acte de créer et, du coup, nous empêche d’envisager que le dessin ou la peinture que nous créons puisse ne pas correspondre à notre « préconception ».
Voilà pourquoi il faut y mettre du temps et de la sueur et le temps, à notre époque, n’est pas le même qu’au 19e siècle (quoi qu’en disent nos horloges). Le « vite fait » est à la mode plus que jamais, peu importe notre âge. Nous utilisons des matériaux « pauvres » pour des raisons multiples : évaporation rapide, matériaux hors de prix, empressement, etc. Quoi qu’il en soit, la pédagogie nous enseigne que les étapes d’apprentissage (et le temps) sont nécessaires pour arriver au stade de professionnel, un terme de plus en plus galvaudé dans le monde des arts.
Humblement, à ce jour, je ne connais aucun humain qui n'ait pu créer que de « bons tableaux »; même Monet, aussi talentueux qu’il puisse être, a peint des « croûtes ». Heureusement, cette réalité nous place dans une position créatrice confortable, puisqu’elle légitime le risque et l’échec. « La perfection est une chose insupportable », dit Alix Girod de l’Ain. “Parfois, on croit qu’on peint une merde et c’est un chef-d’œuvre. Parfois, on croit qu’on peint une merde, et c’est une merde.”, nous rappelle Charlotte de Turckheim.
En fait, le but de l’art est de communiquer à l’autre notre perception du monde, notre sensibilité, etc. C’EST ÇA « LE BEAU ».
Cela m’amène au point de départ. Est-ce qu’on doit peindre pour répondre au goût des huit milliards d’humains de cette planète ou peindre pour le plaisir d’explorer notre voix intérieure, notre propre fragilité, notre vision du monde?
François Desharnais
“Peindre, c'est suivre un appétit.”
Jerzy Skolimowski